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Est-ce possible ? Au XXIème siècle, à quelques kilomètres de nous ? A quelques kilomètres de la pièce où j’écris actuellement cet article ? Est-ce possible qu’un tyran ait massacré son propre peuple à coups de gaz chimiques, pour avoir osé s’insurger contre la tyrannie de son régime ? Est-ce possible que sous ce beau ciel d’été, femmes et enfants aient péri, assassinés au gaz sarin ? Nous restons incrédules face à ces images insoutenables, diffusées en boucle sur nos écrans. Nos esprits ont du mal à concevoir un tel carnage.

Assad a effrontément transgressé les pires tabous, les uns après les autres, n’hésitant pas à utiliser contre ses populations civiles, l’artillerie lourde, les bombardements au moyen d’hélicoptères, les missiles, et voilà qu’à présent, le sanguinaire Assad aurait franchi l’infranchissable et se serait arroger le droit de faire usage d’armes non conventionnelles et de gaz, violant ainsi un sacro-saint tabou.

Non loin de nous, dans la capitale syrienne avec laquelle nous rêvions de faire la paix, des Arabes massacrent d’autres Arabes à l’arme chimique.

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Cela fait déjà près de deux ans que notre voisin syrien sombre dans un bain de sang ; la guerre civile qui y fait rage a déjà fait plus de 100.000 morts. D’où le cruel constat que ces 24 mois de guerre ont fait couler infiniment plus de sang que 100 ans de conflit israélo-palestinien ne l’auraient fait.

Des armes chimiques ont bien été utilisées il y a quelques mois, mais le monde n’a pas vraiment voulu le savoir. Il ne fait aucun doute que des attaques chimiques aient déjà été perpétrées par le passé, sans susciter d’autres réactions que l’atonie de la communauté internationale. Mais cette fois, il semble bien qu’un massacre terrible, d’une ampleur sans précédent, ait bel et bien été perpétré dans la banlieue Est de la capitale syrienne.

S’il s’avérait exact que le dictateur syrien ait utilisé des gaz chimiques contre son propre peuple, il aurait pulvérisé là, toutes les lignes rouges. De même que tous les beaux principes prônés par les révolutions arabes s’en verraient fracassés.

Les révolutions arabes applaudies avec enthousiasme par l’occident auraient-elles donc accouché d’une réalité cataclysmique augurant de lendemains apocalyptiques ?

Nul individu normalement constitué ne peut rester indifférent face à de tels crimes. Un monde qui se veut et se dit éclairé ne peut se taire, face à une telle barbarie. Plus les jours passent, plus on ne peut s’empêcher de faire un parallèle entre la guerre civile en Syrie et la guerre civile espagnole (en 1936). En effet, cette guerre fratricide syrienne marque, comme la guerre d’Espagne, la fin d’une époque et esquisse les contours d’une nouvelle ère.

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La mort de ce millier de victimes innocentes gazées à Damas, sonne le glas du nationalisme arabe éclairé. En mettant aujourd’hui en terre ces pauvres êtres sans défense, c’est tout un idéal qui voulait que le monde occidental ait une conscience que l’on enterre. En inhumant ce millier de pauvres femmes et enfants recouverts d’un linceul blanc, c’est toute l’idée d’une communauté internationale solidaire et d’une loi internationale chimérique qui s’évanouissent dans les ténèbres.

S’il est possible, en 2013, de gazer d’innocents civils, c’est donc bien la fin du monde. C’est la fin d’un monde qui se voulait moral, c’est la fin d’un monde qui se disait éclairé, c’est la fin d’un monde qui souhaitait établir un ordre international axé sur l’équité et la raison et dans lequel le Moyen-Orient devait tenir une place importante.

Nombreux sont ceux, en Israël et en occident, qui méprisent Netanyahou. Pourtant ce qui se passe actuellement en Syrie confirme bien ses inquiétudes et sa mise en garde. En effet, le Premier ministre israélien avait averti que le plus grand danger pesant sur la paix du monde au XXIème siècle consistait à mettre des armes non conventionnelles, aux mains de régimes non conventionnels. A la tête de ces régimes non conventionnels, se trouvent des dirigeants fous qui peuvent donner libre cours à leur folie, des barbares qui peuvent exercer librement leur barbarie et des Huns qui peuvent agir à leur guise.

Mais attention à qui fait montre de compassion, de mansuétude à l’égard de ces dirigeants ; ils se rendent directement complices de l’édification du nucléaire en Iran, de l’utilisation d’armes chimiques en Syrie et autres armes apocalyptiques, mettant en péril l’avenir du Moyen-Orient. Ceux qui sous-estiment la dangerosité de ces Huns, se rendent directement complices de la mort de victimes arabes aujourd’hui et de victimes israéliennes, américaines et européennes, demain.

Il est donc grand temps de se libérer du joug du relativisme moral, de l’hypocrisie multiculturelle, du politiquement correct qui entravent notre jugement et nous empêchent de discerner clairement nos cruels et dangereux voisins.

Le son du tocsin a retenti dans les cieux syriens. L’entendrons-nous ? Le monde l’entendra-t-il ?

Article publié dans le quotidien Haaretz, le 22 août 2013 par Ari Shavit

Traduction de l’hébreu par Betty Harel

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