Bien qu’ayant, depuis 31 ans, souvent fait face à des incompréhensions dans le monde arabe et d’accusations aussi bien de la part des intellectuels de son pays que de certains médias, le président égyptien Anouar el-Sadate incarne une figure  incontestable de paix dans la région.

Il est abattu, le 6 octobre 1981, par un commando de fondamentalistes musulmans alors qu’il assiste à un défilé militaire au Caire. Le monde entier est bouleversé. Sadate sera déclaré mort deux heures plus tard à la clinique al Mhadi.

L’assaut surprise d’un commando de quelques hommes fait quatre morts, dont Sadate, et une trentaine de blessés. Les funérailles du président se déroulent le 10 octobre en présence des ex-présidents américains Richard Nixon, Gerald Ford et Jimmy Carter, du Premier ministre israélien Menahem Begin et d’autres leaders politiques influents. Le vice-président Hosni Moubarak, qui était près de Sadate au moment de l’assaut, succède à ce dernier à la présidence.

L’attitude conciliante de Sadate à l’endroit d’Israël lui attire l’hostilité des intégristes musulmans. Les Frères musulmans, aujourd’hui au pouvoir en Égypte, ont aidé des groupes islamiques pour tuer Sadate le 6 octobre 1981.

Anouar el Sadate, qui avait succédé à Gamal Abdel Nasser en 1970, était âgé de 62 ans. Sadate avait succèdé à Nasser comme Président de la République d’Egypte. À la mort de Nasser (28 septembre 1970), Anouar el-Sadate exerce l’intérim du pouvoir et est confirmé dans sa charge par un plébiscite, le 15 octobre 1970. Il entre en conflit avec la gauche nassérienne sur la question de la reprise des combats avec Israël (un cessez-le-feu est renouvelé tous les trois mois depuis août 1970). Il remporte l’épreuve de force début mai 1971.

L’initiative de Sadate attire l’attention du monde entier, mais aggrave également la fracture au sein du monde arabe. Lorsque le président égyptien invite les parties impliquées dans le conflit moyen-oriental à une conférence en décembre en Égypte, cinq de ses voisins refusent l’invitation et dénoncent les positions égyptiennes. Le 5 décembre1977, l’Égypte rompt ses relations avec l’Algérie, l’Irak, la Libye, la Syrie et le Yémen sud. Néanmoins, les pourparlers avec Israël se poursuivent. Le 17 septembre 1978, les deux États signent les « accords de Camp David  » sous la médiation du président américain Jimmy Carter.

Sadate œuvra pour une paix durable avec Israël , qui se concrétisa par les « accords de Camp David  » signés avec Ménahem Begin, Premier Ministre israélien, en présence de Jimmy Carter, grand artisan de ces accords.

La signature du traité de paix entre Israël et l’Égypte aura lieu le 26 Mars 1979 à Washington. Pour leur action déterminée en vue de ces accords, Anouar El Sadate et Ménahem Begin recevront le Prix Nobel de la paix 1978.

Après avoir pris des contacts secrets avec les Israéliens, il ose se rendre à Jérusalem , la capitale d’Israël , pour provoquer un déblocage psychologique (novembre 1977). Il s’ensuit une négociation longue et difficile sous patronage américain qui aboutit aux accords-cadres de Camp David (septembre 1978), puis au traité de Washington (mars 1979). Le territoire égyptien est évacué par étapes en échange de la normalisation des relations avec l’État hébreu.

En novembre 1977, Sadate devient le premier dirigeant arabe à effectuer une visite officielle en Israël. Il y rencontre le premier ministre Menahem Begin, et prend la parole devant la Knesset à Jérusalem. Il effectue cette visite après avoir été invité par Begin et recherche un accord de paix permanent. Beaucoup d’autorités du monde arabe réagissent très défavorablement à cette visite. Ceux-ci s’opposent à l’action de paix entamée avec Israël.

El Sadate propose un règlement partiel du conflit avec Israël. Pour accroître sa marge de manœuvre, il expulse les conseillers militaires soviétiques d’Égypte (juillet 1972). Il devient le partenaire privilégié de Henry Kissinger. Un accord de désengagement (Sinaï I) est obtenu en janvier 1974. Le processus de paix devient de plus en plus difficile et, en septembre 1975, par l’accord dit Sinaï II, l’Égypte renonce à la force militaire pour régler le conflit.

L’assassinat de Sadate a montré la fragilité des régimes politiques modérés du Moyen-Orient. Les islamistes voulaient AUSSI éliminer ce fils de paysan, grandi entre ciel et eau, dans la boue du delta du Nil et qui croyait en son étoile. Sa modeste autobiographie commençait par ces mots : « Moi, Anouar el-Sadate, paysan né et élevé sur les bords du Nil, à l’endroit même où l’homme a contemplé l’ombre de tous les temps. »

Sur le plan intérieur, Anouar el-Sadate proclame, dès 1974, une politique d’ouverture économique (infitah), c’est-à-dire de retour à l’économie libérale et à l’introduction des capitaux étrangers. L’afflux d’argent est considérable. Il prône une nouvelle orientation politique avec le rétablissement de l’État de droit et l’abandon d’un grand nombre de mesures socialistes, et recentre le discours politique sur l’identité égyptienne au détriment du projet unioniste arabe.Politiquement, c’est la fin du parti unique.

L’Association of Arab-Israeli reconciliation? a publié à Alexandrie, le 6 octobre dernier 2012, un communiqué rappelant la mémoire du Président Sadate. Elle rappelait surtout que Sadate a vécu pour défendre les droits des opprimés, des malades, des personnes âgées et des veuves. Sadate était aussi un défenseur des droits des femmes égyptiennes. Le Président avait criminalisé l’expulsion des femmes du domicile conjugal, le mariage par plaisir sexuel et l’intervention nocturne de la police dans les maisons égyptiennes. Sadate avait aussi démoli les prisons et les centres de détention en Égypte, donné la liberté pour tous les détenus politiques de l’époque de Nasser et leur avait offert des emplois. Le Président Sadate avait donné une priorité à l’éducation, la santé et au sport.

L’Association of Arab-Israeli reconciliation a rappelé enfin que le Président Sadate avait dit : « Toute personne a le droit de vivre dans la paix et la sécurité. Je veux bien admettre le droit d’Israël à l’existence , Je veux bien admettre le droit de la vie juive  »
Mais tel est le destin du vrai chef ; ce destin a fait de Sadate premier en tout : premier en paix , premier en démocratie , premier en générosité .

Souhail FTOUH

En 1981, Enrico Macias a écrit la chanson « Un berger Vient de tomber » le lendemain de la mort du président Sadate, pour lui rendre hommage. C’est une très belle chanson:

Un berger vient de tomber sous les armes
Le coeur de l’humanité est en larmes
Et le monde bouleversé, réalise d’un seul coup
Que la terre engendre quelquefois des fous
Tous ceux qui devant son corps font la fête
Oublient que la mort n’est pas une défaite
Il a mis tout son courage servir la liberté
Qu’il nous reste l’héritage qu’il l’a laissé
C’est pour ça que je garde espoir
Il n’est pas venu par hasard
Le chemin qu’il l’a tracé, nous l’avons tous en mémoire
Mais martyr force les portes de l’histoire
Un berger vient de tomber sous les armes
Le coeur de l’humanité est en larmes
La violence a de nouveau mis du sang sur son drapeau
Et lâché les loups au milieu des agneaux
Comme nous l’avons appris des prophètes
Qui sème le vent récolte la tempête
Alors j’affirme aujourd’hui
A ceux qui l’ont sacrifié
Que déjà dans le ciel on les a jugés
Il disait puisqu’il faut mourir
Laissez-moi le droit de choisir
Et de Washington Rome où l’on a eu peur aussi
On sait bien qu’il a fait le don de sa vie
Un berger vient de tomber sous les armes
Le coeur de l’humanité est en larmes
Des ides qu’il défendait et cette main qu’il tendait
Serviront un jour ou l’autre à faire la paix.
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