« J’ai assisté ce 7 décembre à la 69eme commémoration des victimes juives sous l’occupation allemande de la Tunisie qui s’est tenue à « Yad Vashem » . Durant cette émouvante cérémonie, furent entendus de nombreux témoignages de rescapés de cette période tragique qu’a connue le Judaïsme tunisien.

A entendre tous les souvenirs poignants de cette époque, il m’est revenu évidemment en mémoire ma Bar-Mitzwa, que j’ai justement célébrée à Tunis, alors occupée par les forces allemandes.

Je me souviens de toutes les anxiétés qui ont accompagné cette période ; celles des bombardements, des couvre-feux, des restrictions alimentaires, des camps de » travail forcé » où étaient envoyés les juifs adultes, mon père y compris, des chuchotements au sujet des « lois anti- juives »qui empêchaient ma cousine de poursuivre ses études à l’Université…Je me souviens surtout de la stupéfaction, de la tristesse et de la rage quand nous sont parvenues les premières nouvelles sur les camps de la mort où les Nazis avaient envoyé les juifs d’Europe.

Une période bien sombre qui pourtant est également liée pour moi, à des rêves exaltants d’optimisme dans lesquels je me réfugiais très souvent. Y était pour beaucoup sans doute, l’exemple, très vivant en moi, de deux de mes oncles que j’admirais énormément ;l’oncle Alfred Rossi, officier français parachutiste qui combattait alors dans les rangs de la résistance française et l’oncle Yéouda Nir,installé en Palestine depuis 1935 ,que les photos montraient,à l’époque, fusil à l’épaule sur un tracteur labourant les champs du Kibbutz Gan- Shmuel où il était membre fondateur.

Je rêvais donc, pêle-mêle ,en plus bien sûr du stylo et de la montre promis comme cadeaux de Bar-Mitzwa, de libération de l’occupation allemande, de secours aux juifs des Camps de concentration en Europe et surtout de la création d’un Etat Juif en Palestine, bien à nous, avec un drapeau et une armée …..Je me revois en train de dessiner des plans et des croquis pour mieux fixer mes rêves et mes fantasmes.

Ces souvenirs, ces impressions se sont intensifiées en moi quand j’ai commencé à servir dans le corps diplomatique et surtout à chaque fois que j’ai eu à présenter mes Lettres de Créance en tant qu’Ambassadeur d’Israël…. un moment privilégié d’émotion et de fierté.

Je me souviens à ce propos, avoir lu dans un des romans de Romain Gary (qui a été à un moment de sa vie, diplomate français), que son émotion était telle lors d’une pareille cérémonie, qu’il s’est pris à murmurer dans son fort intérieur au terme de son discours: »Vous avez également, Monsieur le Président, bien le bonjour de ma mère ».Ce fut sa façon à lui d’associer sa mère, qu’il aimait énormément, à ce moment privilégié.

Pour ma part je n’ai pu m’empêcher d’associer à chaque fois ,lors de cette cérémonie,le jeune Bar-Mitzwa rêveur que j’étais, alors que tout n’était autour de nous que désolation et tristesse. Et c’est toujours la gorge serrée que je réalisais en ces moments la chance et le privilège que j’avais de représenter Israël, un pays qui dans ma jeunesse, n’existait que dans mes rêves et mes fantasmes. »

Dr Zvi Tenney
Ambassador of Israel (ret)
www.zvitenney.info

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