La communauté juive de Sousse constituée de 1500 personnes en 1857 était soumise au statut de la Dhimma, tolérance accordée par les Musulmans aux Gens du Livre, (Ahl el kittab), Juifs et Chrétiens. Le 10 septembre 1857, Mohamed Pacha Bey promulgua une constitution réformiste, le Pacte fondamental, qui introduisit l’égalité entre tous les groupes confessionnels.

Le Protectorat français fut établi sur la Régence de Tunis, par le Traité du Bardo, le 12 mai 1881, et fut assorti de la Convention de la Marsa le 8 juin 1883. Il prit fin avec l’indépendance de la Tunisie, le 20 mars 1956. La République tunisienne fut proclamée le 25 juillet 1957.

De 1857 à 1957, la communauté juive a présenté un fort enracinement en terre d’Islam, et a vécu ensuite dans le contexte colonial. Comment, cette communauté, liée à une culture séculaire, a-t-elle pu basculer d’un univers arabophone, immergé dans l’orientalité, vers une nouvelle culture tournée vers l’occident, en un siècle, de 1857 à 1957 ?

L’étude de la communauté juive de Sousse de 1857 à 1957 montrera le passage de la tradition orientale à l’acculturation et à l’occidentalisation, à travers trois divisions majeures :

La première partie (1857-1881) présente un portrait de la communauté juive de Sousse, composée de Juifs autochtones, les Swâsäet de Juifs ibéro-italiens les Grânä, de son orientalité ainsi que de son début d’ouverture face aux incitations venues d’Europe, depuis le Pacte fondamental de 1857, jusqu’à l’établissement du Protectorat français (1881).

La deuxième partie (1881-1939) est consacrée à l’analyse des vecteurs sociaux, économiques, culturels et politiques, qui ont entraîné des mutations structurelles, poussant les Juifs de Sousse à délaisser une identité orientale encore très présente, pour une marche vers l’occidentalisation, au cours de la période 1881-1939, liée aux évènements internationaux, qui accentuent les clivages entre tradition orientale et modernité. Dans le même temps, le sionisme, nationalisme juif laïc d’Europe centrale, réclamait avec Théodore Herzl, (1860-1904), le retour du peuple juif en Palestine. Ce courant eut une influence constante sur les Juifs de Sousse.

La troisième partie (1939-1957) précise le poids des mesures infligées à la communauté juive, pendant la Seconde Guerre mondiale, en raison de l’instauration du Statut des Juifs en Tunisie, de l’occupation de Sousse par les troupes italo-allemandes, et des conséquences de la politique raciale nazie appliquée en Tunisie de novembre 1942 à avril 1943.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’ébranlement des valeurs traditionnelles en Europe et dans le monde secoue la population de Sousse. Le mouvement d’occidentalisation continue cependant dans la communauté juive de Sousse qui se compose, en 1953, de 4415 personnes. Les Juifs du Sahel forment un groupe de 6000 personnes. Les départs pour Israël entraînent une première rupture de cette communauté. L’autonomie interne en 1954, l’indépendance en 1956 et la proclamation de la République tunisienne en 1957 transforment la situation des Juifs de Sousse et éveillent des inquiétudes, provoquant une fragilisation identitaire.

Projetés dans l’histoire de la décolonisation, et dans le conflit israélo-palestinien en 1956, les Juifs de Sousse devront, comme l’ensemble des juifs de Tunisie, faire face à trois options en 1957 : Israël, la France, ou la nouvelle République tunisienne dirigée par Habib Bourguiba.

L’Auteur

Claire Rubinstein-Cohen dresse, dans sa thèse de Doctorat, une monographie de la Communauté Juive de Sousse (Tunisie), son pays d’origine, à travers un siècle d’histoire. Multipliant les activités professionnelles à Vienne et à Paris en tant qu’enseignante, Claire Rubinstein-Cohen poursuit ses recherches historiques au sein de la Société d’Histoire des Juifs de Tunisie, dont elle est Vice-présidente depuis 2002.

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