Sous le Haut patronage du roi Mohammed VI, le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) organise, en partenariat avec le Conseil des communautés israélites du Maroc (CCIM), du 13 au 18 novembre 2018 à Marrakech, une rencontre inédite sur le thème ‘’Judaïsme marocain : pour une marocanité en partage’’.

Cette rencontre réunit 250 Marocains juifs, du Maroc et de l’étranger, dont des personnalités de la société civile, des enseignants, des universitaires, des multiplicateurs d’opinions, des leaders du monde des affaires, des journalistes, des chercheurs et des artistes.

Parmi eux on retrouve, André Azoulay, le conseiller du roi Mohammed VI, le président du Conseil des communautés israélites du Maroc (CCIM) Serge Berdugo, Simon Skira, Secrétaire général de la fédération des juifs du Maroc en France, Dr Yehouda Lancry natif de Boujad qui fut Ambassadeur d’Israël à l’O.N.U et à Paris, l’historien Michel Abitbol, le journaliste et écrivain Salomon Malka…

Israël compte aujourd’hui environ 800 000 citoyens originaires du Maroc, et qu’il existe d’importantes communautés juives en France, au Canada et aux Etats-Unis.

La conférence s’attardera  sur les possibilités pour « les communautés marocaines à l’étranger d’assumer un rôle de trait-d’union, de force de proposition pour une consolidation des rapports entre pays d’origine et terre d’accueil ».

Il y sera notamment question de la notion « d’exception marocaine » en référence à la cohabitation des musulmans et des juifs dans le royaume, une exception parfois mise à mal par une opinion hostile à Israël, qui repousse la normalisation des relations diplomatiques entre les deux pays, et qui lutte sans succès pour contrecarrer les intenses échanges économiques entre le Maroc et Israël.

La rencontre a également pour objectif de « célébrer cette exception marocaine, et d’approfondir la réflexion sur des questionnements tels que ce que signifie, au XXIème siècle, être Marocain lorsqu’on vit loin de sa terre natale ou d’origine ? Ou comment préserver cette spécificité dans les pays d’accueil et la promouvoir ? Ou encore comment les communautés marocaines à l’étranger peuvent-elles assumer un rôle de trait-d’union, de force de proposition pour une consolidation des rapports entre pays d’origine et terre d’accueil ? »

« À l’a une du vivre ensemble et de l’identité une et diverse consacrée constitutionnellement et dont le judaïsme est l’un des affluents, la notion d’« exception marocaine » prend tout son sens…. Au-delà de la nostalgie et du souvenir, de la faculté de nous réunir, de dialoguer et de penser ensemble le Maroc, nous devons pérenniser ce qui fait notre spécificité. Nous devons faire du Maroc un champ d’ambitions et non un simple conservatoire d’une mémoire commune », selon une déclaration conjointe de Serge Berdugo et M. Abdellah Boussouf, respectivement secrétaires généraux du CCIM et du CCME.

 

Simon Skira, Secrétaire général de la fédération des juifs du Maroc en France

Deux expositions sont programmées en marge de cet évènement : « Portraits des Juifs marocains de l’Atlas et du Sahara » d’Elias Harrus, organisée par le Ministère de la Culture et de la Communication et « Synagogues et cimetières juifs marocains réhabilités », du Musée du Judaïsme marocain.

Cette rencontre est organisée avec la collaboration de plusieurs institutions notamment, le ministère de la Culture et de la Communication, la Fondation du patrimoine judéo-marocain, le Musée du Judaïsme marocain, l’Association des Amis du Musée du Judaïsme Marocain et l’Alliance Israélite Universelle.

Le professeur de politique étrangère à l’Université Old Dominion a Norfolk (Virginie), M. Simon Serfaty, a souligné, jeudi à Marrakech, le rôle majeur que peut jouer le Royaume du Maroc dans la nouvelle géopolitique mondiale. M. Serfaty, qui animait une conférence sous le thème  »Le Maroc dans le monde : défis et perspectives », organisée dans le cadre de la Rencontre sur le  »Judaïsme marocain : pour une marocanité en partage », a mis en exergue la place de choix qu’occupe le Maroc, un pays du sud étroitement lié à l’Atlantique, dans un monde en pleine mouvance.

Également titulaire de mérite de la Chaire Zbigniew Brzezinski en géostratégie au Center for Strategic and International Studies (CSIS) a Washington, M. Serfaty a mis l’accent sur une multitude d’atouts dont jouit le Royaume. Le Royaume a tout le potentiel pour agir en tant qu’acteur dans l’élaboration de ce monde nouveau, et être entendu par les grandes puissances mondiales, a-t-il estimé.

Autres atouts incontournables pour le Maroc, sa position géographique et sa démographie qui sont à la base d’un « dynamisme » économique, a expliqué M. Serfaty, avant de relever également un autre avantage de taille, celui de  »la crédibilité » due à la  »nature de sa réputation au niveau d’un certain nombre de pays de par le monde grâce à son histoire et à sa stabilité ».

 


Abdellah Boussouf Secrétaire général de la CCME et Serge Berdugo Secretaire de la Communauté juive du Maroc, sont  responsables de  l’organisation de la rencontre mondiale des Marocains juifs à Marrakech.

Le chanteur d’opéra (baryton) David Serero entonne l’Hymne national Marocain d’une belle voix grave, suivi par des prières élevées par le Grand Rabbin de Casablanca, implorant le Tout-Puissant de préserver le roi Mohammed VI et l’ensemble de la famille royale et de perpétuer sur le Royaume les bienfaits de la quiétude, de la paix et de la prospérité.

Pour le secrétaire général du Conseil de la Communauté Marocaine à l’Étranger (CCME), Abdellah Boussouf, « Après notre Hymne national et les vœux de nos Rabbins, il nous est difficile de contenir nos émotions pour ces retrouvailles entre les membres des communautés juives dans le monde, placées sous le Haut Patronage de S.M le roi Mohammed VI qui, à chaque occasion, la dernière en date à Fès, rappelle que les Juifs marocains jouissent de la pleine citoyenneté ».

« Nous souhaitons donc à travers cette Rencontre renforcer encore plus nos relations et tracer ensemble l’avenir d’un pays et d’une société de liberté et de droit pour que les jeunes générations puissent perpétuer cette homogénéité », a-t-il insisté.

Grâce à ce conclave, « nous affirmons que tout musulman au Maroc reconnaît la part juive de son identité et est fier de partager avec toutes les composantes de cette dernière une mémoire collective », a-t-il fait remarquer.

Intervenant à l’ouverture de cette Rencontre, le ministre de la Culture et de la Communication, Mohamed El Aaraj, a fait de sa grande fierté de l’apport de l’affluent hébraïque qui constitue une partie intégrante de l’identité civilisationnelle du Maroc unie et indivisible.

« Les aspects de diversité et d’ouverture ayant distingué le Maroc à travers l’Histoire constituent la réalité profonde ayant toujours constitué un rempart contre les tendances qui nourrissent la prolifération des stéréotypes et clichés et de la culture du repli », a-t-il relevé.

Et de conclure que cette Rencontre représente un voyage intérieur et un moment inédit pour jeter des passerelles entre le passé et le présent pour rapprocher les générations montantes du legs de leurs parents et ancêtres, marqué du sceau de la coexistence, de la cohabitation et de la fraternité, offrant ainsi les plus belles images de ce que doivent être la diversité et la différence constructive.

Organisée par le Conseil de la Communauté marocaine à l’étranger (CCME) en partenariat avec le Conseil des Communautés Israélites du Maroc (CCIM), la Rencontre de Marrakech sur le judaïsme marocain s’est ouverte en présence d’un aréopage de personnalités issues de divers horizons.

Les juifs marocains, plus grande communauté juive du monde arabe

Les premiers juifs sont arrivés au Maroc au Ve siècle av. J.-C., après la destruction du premier Temple de Jérusalem.Vinrent ensuite ceux chassés par la destruction du second Temple, en l’an 70, entraînant la judaïsation des Berbères, comme il y a eu berbérisation des juifs. Les Andalous sont arrivés en 1492, avec l’Inquisition.

Seuls 2.200 juifs habitent encore au Maroc, dont une majorité à Casablanca, contre près de 250.000 dans les années 60. Au même moment, les juifs marocains constituent la plus grande communauté juive du monde arabe, à raison d’environ 350.000 âmes. Au gré des vagues d’immigration, des peurs et des conflits, la communauté juive marocaine s’est éparpillée ici et là

Les juifs bénéficient du statut de « dhimmis » au Maroc. Ce sont des protégés du sultan musulman. Ils peuvent pratiquer leur religion mais reconnaissent la suprématie de l’islam et payent un impôt particulier.

Si les juifs ont quitté en masse le Maroc, c’est parce qu’ils avaient peur. Un nouvel Etat leur ouvrait les bras, tandis que leur terre natale fermait les siens. Avec l’Independence de l’Etat d’Israël ainsi que la montée du panarabisme, les départs s’accentuent avec l’indépendance du pays (1956) et la guerre des Six-Jours en Israël (1967).

La défiance, l’incertitude et l’appréhension se développaient à la fin des années 60. Les Juifs étaient constamment angoissés par la question capitale: le Maroc indépendant pouvait-il à long terme continuer à manifester sa tolérance envers eux? Le simple doute quant à la réponse à cette question pouvait à lui seul suffire à les empresser à partir. Le dahir de la marocanisation des institutions juives du 26 novembre 1958, y contribuèrent fortement.

Ce dernier stipulait notamment que les « membres du comité directeur de l’organisme soient exclusivement de nationalité marocaine. (…) Étant donné qu’une partie des institutions internationales juives étaient encore gérées par des Juifs de nationalité étrangère résidant au Maroc, une partie de ces institutions furent astreintes à modifier la constitution de leurs comités directeurs et à nommer à leur tête des membres de nationalité marocaine. »

Qui plus est, « depuis juin 1958, les autorités s’opposèrent à l’existence de la CIRE, ‘Caisse Israélite de Relèvement Économique’, caisse qui soutenait les artisans juifs, en prétendant que ce fond n’avait pas de raison d’être autonome après l’accession à l’indépendance ».

Par ailleurs, l’entrave à leur liberté de circulation, dans la mesure où leur départ menaçait d’impacter l’économie locale, ou encore les diverses opérations d’émigration (97.000 juifs ont ainsi quitté le Maroc pour Israël entre 1961 et 1964 suite à l’opération Yakhin) sont autant d’explications derrière le départ des juifs du Maroc.

Enfin, la fondation de l’Union postale arabe en 1959 « provoqua la rupture unilatérale des relations postales, télégraphiques et téléphoniques entre le Maroc et Israël. Cette rupture pesa lourdement sur le climat moral de la communauté juive et sur son avenir au Maroc ». Ajoutez à cela une dose d’antisémitisme avec une pincée de nationalisme exacerbé, et vous obtenez une baisse de 99% du nombre de juifs au Maroc en quelques décennies.

Aujourd’hui, au Maroc, cette histoire vieille de près de deux mille cinq cents ans est vaguement enseignée dans les manuels scolaires. Pourtant, elle est partout, inscrite à jamais dans le paysage. Et bien sûr dans les ruelles des mellahs, ces quartiers jadis dévolus aux juifs, à ne pas confondre avec les ghettos fermés d’Europe. Celles de Rabat portent toujours leurs noms. Rue Shalom-Zaoui, rue David-Cohen… Plus un seul juif n’habite ici. Ceux qui résident encore dans la capitale du royaume se sont éparpillés en ville. Mais c’est surtout à Casablanca que l’on trouve le gros de la communauté.

Nul ne saurait oublier que les juifs marocains n’ont en aucun cas émigré exclusivement vers Israël, mais également vers d’autres pays à l’image du Canada ou de l’Espagne, dont les modalités d’accueil auront encouragé ce choix. Certaines mesures facilitèrent en effet les démarches; aussi, et encore aujourd’hui, après avoir expulsé les juifs sépharades de son territoire en 1492, l’Espagne offre désormais la nationalité espagnole à leurs descendants. Par décret royal. S’il vous plaît.

Souhail Ftouh

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