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Pendant que la  peur gagne la communauté juive à Djerba (sud-est de la Tunisie), les médias locaux  rapportaient  qu’un repas d’iftar (rupture du jeûne), baptisé «Repas de la fraternité»,  a été organisé samedi dernier à la corniche de l’Ile.

 

Ont pris part à cette mascarade environ 500 personnes de différentes confessions (musulmans, chrétiens et juifs).  Des bus ont déposés les touristes étrangers  et les drapeaux de différents pays ont été installés pour donner un caractère universel à l’événement, sauf que le drapeau d’Israël (le seul pays des Juifs) était absent.

 

Même les candidates au concours Miss France 2016 sont arrivées pour y passer une semaine à Djerba. (Voir la vidéo en Français).

 

Mais comme de coutume les Israéliens d’origine tunisienne, qui compte par des milliers,  n’ont pas été conviés !

 

Dans une déclaration aux médias, le président de l’association Hibiscus Djerba, Chedli Ben Messaoud a affirmé que le but était de réunir, à la même table, le plus de gens possible, de cultures, et de religions différentes.

 

 

Il a ajouté que cette rencontre a été une occasion pour apporter un témoignage sur la coexistence pacifique entre les habitants des différentes confessions en Tunisie et à l’île de Djerba particulièrement.

 

« Le repas de la fraternité constitue une occasion pour partager l’ambiance vécue par les jeûneurs pendant le mois de ramadan » a-t-il ajouté.

Rappelons qu’aucun événement pareil n’est organisé, dans l’autre sens, lorsqu’il s’agit des fêtes juives comme Roch Hachana, Yom Kippour, Pourim, Pessa’h, Chavouot, Hanouka…

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Dissimuler l’angoisse des juifs et vendre la destination tunisienne

 

Les autorités tunisiennes ont pris l’habitude d’utiliser les juifs de l’Ile, surtout lors du pèlerinage annuel, pour vendre cette destination touristique. Cette année près de 100 journalistes allemands, français, italiens, belges et néerlandais ont été invités à Djerba entre le 20 et le 23 mai dans le cadre de la campagne de publicité pour le tourisme en Tunisie.

 

Cette mascarade ramadanesque servait à double joue : vendre la destination tunisienne et aussi dissimuler l’angoisse de la  communauté juive, qui ne sent pas protégée, et qui est plongé dans l’angoisse. Confrontée à une recrudescence de l’antisémitisme, la communauté a peur et ne se sent plus en sécurité.  Le sentiment d’insécurité n’a jamais été aussi fort.

 

En effet, la révolte de 2010 avait installé un état d’anxiété permanent qui influence la vie quotidienne des habitants  juifs: Ils réduisent leurs sorties dans la rue, les hommes évitent les cafés et les lieux fréquentés par mesure de sécurité et parce que les services de sécurité et la police ont été  incapables d’empêcher, par exemple, des assaillants de passer à l’action avec un couteau de cuisine ou un tournevis.

 

 

Pendant Pessah, un juif de Djerba,  Maurice Bchiri,  âgé de 60 ans, à la tête d’un commerce à la Hara Kebira  avait été victime, le 14 avril 2014,   d’une agression par arme blanche. Il a été transporté à l’hôpital pour y être soigné.

 

 

Le 23 mai 2014 un autre juif s’est fait poignardé à  Djerba. L’auteur  musulman a été  arrêté par les forces de sécurité qui sous la pression de la rue, peu de temps après; il a été libéré.

 

L’homme masqué avait poignardé  un bijoutier, Gabriel Ozein, sur le marché  juif de Djerba en criant « C’est le retour et la vengeance de Mahomet ».

 

La victime avait été atteinte à la poitrine. Après l’arrestation, plus d’une centaine d’hommes masqués ont menacé de brûler le poste de police si le jeune musulman n’était pas libéré. Les forces de sécurité tunisiennes avaient relâché le criminel sans aucune procédure légale.

 

 

Plus tard trois musulmans ont tenté d’enlever un enfant juif de 12 ans sur l’île de Djerba. La tentative de rapt s’est passée dans le centre du quartier juif sur l’île en octobre 2014 à la veille de la fête de Souccot.

 

Aujourd’hui donc il y a une crainte qui circule dans toute la population juive de l’Ile. Tous vont à la synagogue, avec une peur de ce qui va arriver. Même le grand rabbin de Tunisie, Haïm Bittan, enjoint les jeunes femmes à réduire leur exposition au monde extérieur.

 

Discrètement, quelques habitants  juifs se réunissent autour de nous pour exprimer leur désarroi.

 

« Ne nous cachons pas les yeux : on ne peut rien faire pour empêcher  des attentats, et dire que l’État tunisien veut nous protéger ne suffit pas à nous calmer. Donc nous devons prendre en main notre sécurité et celle de nos enfants », lâche Shiran, une institutrice de 23 ans.

 

« Ce n’est pas normal de vivre avec la peur au ventre et on arrive à se dire qu’il serait préférable de partir », soupire la jeune femme.
« Ceux qui hésitaient déjà à partir sont maintenant décidés, et ceux qui n’y pensaient pas commencent à y réfléchir », affirme Raphael  un sexagénaire.

 

D’ailleurs il y’a quelques jours The Guardian  rapportait qu’une trentaine de juifs ont quitté Djerba depuis 2011 et beaucoup d’autres envisagent de monter  vers Israël.

 

Leur départ est  encouragé par l’Agence Juive : son porte-parole, Yigal Palmor, déclare à Radio Free Europe : « il y a très peu de perspectives d’avenir pour les communautés juives dans les pays arabes, sauf si les choses changent drastiquement. Même s’ils sont tolérés, je ne crois pas qu’ils aient un vrai futur ici ».

 

Souhail Ftouh 

 

 

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