L’Allemagne avance des plans d’achat du système de missiles anti-balistiques Arrow 3 d’Israël pour environ 4,3 milliards d’euros. La guerre en Ukraine a montré l’ importance vitale de la défense antiaérienne en Europe. Actuellement les Arrow 3 israéliens répondent aux besoins.

Les législateurs allemands seront invités à débloquer des fonds anticipés à hauteur de 560 millions d’euros la semaine prochaine afin de garantir un accord de gouvernement à gouvernement avec Israël pour le système Arrow 3 à la fin de l’année 2023. L’objectif étant que la Luftwaffe [force aérienne] puisse prendre possession de ce système d’ici le quatrième trimestre 2025.

Le système Arrow 3 est actuellement le système de défense antimissile à longue portée le plus avancé d’Israël. Il est destiné à intercepter les missiles balistiques alors qu’ils se trouvent encore en dehors de l’atmosphère terrestre et à neutraliser les projectiles et leurs ogives nucléaires, biologiques, chimiques ou conventionnelles à proximité de leur site de lancement.

Berlin  veut se doter du système Arrow 3 à Israël depuis plus d’un an. La question a été soulevée lors d’une rencontre en avril 2023 entre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le chancelier allemand Olaf Scholz. Des responsables israéliens et allemands avaient entamé des discussions « avancées » sur la vente du système Arrow 3.

En cas d’échec de la transaction, l’Allemagne perdrait tout ou une partie de ses fonds déjà avancés. L’argent serait utilisé pour dédommager Israël.

Le ministère israélien de la Défense a déclaré que le système ayant été co-développé avec les États-Unis, le processus d’exportation vers l’Allemagne dépendait de l’approbation de Washington. L’Allemagne a cherché à renforcer ses défenses suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

« Nous devons mieux nous protéger contre la menace russe. Pour ce faire, nous avons besoin rapidement d’un bouclier antimissile pour l’Allemagne », avait déclaré, l’année dernière, Andreas Schwarz, du parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) de Scholz, qui siège à la commission parlementaire du budget. « Le système israélien Arrow 3 est une bonne solution », avait-il déclaré au quotidien Bild.

Le système Arrow 3 a été développé dans le cadre d’un projet commun entre l’organisation de défense antimissile du ministère israélien de la Défense et l’agence américaine de défense antimissile. Des travaux sont en cours pour développer un système encore plus avancé, le Arrow 4.

En partie financé par les États-Unis et développé par Israel Aerospace Industries [IAI] en collaboration avec Boeing, l’Arrow-3 est capable d’intercepter et de détruire des missiles balistiques lors de leur phase exo-atmosphérique grâce à un « projectile cinétique ». Il fonctionne avec un centre C4ISR appelé Yellow Citron et fourni par Tadiran Telecom et un radar « Super Green Pine » qui, conçu par Elta, serait suffisamment puissant pour « couvrir » aussi la Pologne et les États baltes.

La France furieuse

Lors d’un discours prononcé à Prague en août 2022, le chancelier allemand, Olaf Scholz, fit part de l’intention de Berlin d’investir « massivement » dans les capacités de défense aérienne et d’inviter plusieurs pays européens à y participer.

« Un système de défense aérienne bâti conjointement en Europe serait non seulement moins cher et plus efficace que si chacun de nous construisait sa propre défense aérienne. […] Ce serait un gain de sécurité pour toute l’Europe et un excellent exemple de ce que nous voulons dire lorsque nous parlons de renforcer le pilier européen de l’Otan », avait en effet soutenu M. Scholz.

Et, deux mois plus tard, dans le cadre de l’Otan, l’Allemagne lança l’initiative « European Sky Shield », avec l’adhésion de 14 pays membres, dont le Royaume-Uni, la Slovaquie, la Norvège, la Lettonie, l’Estonie, la Hongrie, la Bulgarie, la Belgique, la République tchèque, la Lituanie, les Pays-Bas, la Roumanie, la Slovénie et la Finlande.

Pour Berlin, l’idée était alors de créer un système européen de défense aérienne via l’acquisition commune des capacités nécessaires… dont les systèmes IRIS-T SLM [de l’allemand Diehl Defence], Arrow-3 [développé par Israël avec un appui des États-Unis] et Patriot. Exit donc le SAMP/T [Sol-Air Moyenne Portée / Terrestre] franco-italien…

Évidemment, la mise à l’écart de systèmes français et italiens fut mal perçue à Paris… d’autant plus que, comme le rappela Emmanuel Chiva, le Délégué général pour l’armement [DGA] lors d’une audition parlementaire, la France « est en mesure de répondre à plusieurs domaines de protection visés par l’European Sky Shield Initiative : très courte portée, courte et moyenne portée, et intercepteurs endo-atmosphériques », sans parler des capacités d’alerte avancée.

Plus tôt, le président Macron s’en était pris, sans la nommer, à cette initiative allemande. « La défense aérienne de notre continent, c’est une question stratégique, solidaire et aux multiples ramifications. Elle ne peut se résumer à la promotion d’une industrie nationale ou d’industries tierces aux dépens de la souveraineté européenne », martela-t-il à l’occasion de la publication de la Revue nationale stratégique.

Puis, en février 2023, lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, M. Macron annonça la tenue, à Paris, d’une conférence sur la défense aérienne, en disant espérer la participation de « nos partenaires allemands, italiens et britanniques » et de « tous ceux qui souhaitent nous rejoindre en Europe ».

Et, à Bratislava, le président français a confirmé que cette conférence serait organisée le 19 juin prochain. M. Macron a aussi insisté sur la nécessité de « développer une base industrielle, technologique de défense vraiment européenne dans tous les pays qui sont intéressés et déployer des équipements pleinement souverains sur le plan européen ».

« Quand je vois certains pays qui accroissent leurs dépenses de défense pour acheter massivement du non européen, je leur dis simplement : ‘vous préparez vos problèmes de demain !’ Il nous faut utiliser ce moment pour produire davantage en Européens », a-t-il martelé.

Quoi qu’il en soit, l’Allemagne n’entend visiblement pas dévier de sa route… Et cela sera sans doute un sujet de conversation lors de la conférence annoncée par M. Macron. En effet, selon Reuters, Berlin a bien l’intention de se procurer le système de défense antimissile Arrow-3 pour un montant d’environ 4 milliards d’euros. Une demande en ce sens a été soumise au Bundestag, celui-ci devant approuver, la semaine prochaine, des paiements anticipés pouvant atteindre 560 millions d’euros dans le cadre de ce contrat.

Souhail Ftouh

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