Le procès pour corruption du Premier ministre Benjamin Netanyahu reprendra à raison de quatre audiences par semaine à partir de février, contre deux actuellement, a annoncé le tribunal ce lundi 25 décembre .

Le procureur chargé de l’affaire 4000, actuellement en cours, devrait avoir terminé la présentation de son dossier d’ici janvier. Cette affaire concerne des allégations selon lesquelles Netanyahu aurait accordé des avantages réglementaires au géant des télécommunications Bezeq, propriété de Shaul Elovitch, en échange d’une intervention éditoriale dans le média Walla, également détenu par Elovitch.Netanyahu est inculpé de corruption, de fraude et d’abus de confiance dans cette affaire.

Le tribunal passera ensuite à l’audition des témoignages dans l’affaire 1000, qui concerne les cadeaux que le Premier ministre aurait reçus de riches bienfaiteurs, et dans l’affaire 2000, où il aurait négocié une couverture médiatique favorable dans le journal Yedioth Ahronoth au détriment de ses concurrents. Dans les deux affaires, Netanyahu est inculpé de fraude et de violation de la confiance.

Jusqu’à ce que les activités du tribunal soient suspendues en raison de l’attaque meurtrière du Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël, trois audiences avaient lieu chaque semaine. Lorsque le procès a repris début décembre, le tribunal a accédé à la requête de de la défense de ne tenir des audiences que deux fois par semaine. Cette demande avait été présentée par l’avocat de Netanyahu, Amit Hadad, qui a cité le manque de disponibilité du Premier ministre pour se préparer aux témoignages de nouveaux témoins clés en raison de la guerre en cours contre le Hamas.

Netanyahu nie tout acte répréhensible et se dit victime d’une chasse aux sorcières menée par la police et le ministère public. Il a refusé de démissionner lorsque les inculpations ont été déposées, arguant qu’il était capable de comparaître en justice tout en dirigeant le pays.

Le procès a été critiqué en raison de la lenteur des procédures. Il a commencé il y a trois ans et, dans l’état actuel des choses, les procédures, y compris les éventuels appels, ne devraient pas se terminer avant 2028-2029.

À la fin du mois de juin 2023, il a été rapporté que les juges estiment difficile de prouver l’accusation de corruption contre le Premier ministre et qu’ils se sont réunis avec les procureurs de l’État et l’équipe de défense de Netanyahu pour discuter de la possibilité d’une négociation de peine.

Le professeur David Gliksberg, de la faculté de droit de l’Université Hébraïque, estime que  le procureur cherche aussi à ajouter une clause de « turpitude morale », qui aurait pour effet, selon le droit israélien, d’empêcher M. Netanyahu de siéger au Parlement pour les sept prochaines années.

Michal Saliternik, professeure de droit au Collège académique de Netanya, rappelle que pendant le procès, Netanyahu pourrait toujours arguer – devant les juges du tribunal pénal – que ses actes ont été commis dans l’exercice de ses fonctions. Il est probable que cet argument sera rejeté, à la lumière des précédents juridiques qui ont interprété très strictement l’irresponsabilité liée à l’exercice de ses fonctions. Dans tous les cas, cette question peut être soulevée dans une phase préliminaire du procès, avant que le défendeur ne réponde aux charges de l’acte d’accusation.

Ce n’est pas la première fois qu’un Premier ministre israélien se retrouve sous enquête ou accusé. Les quatre derniers Premiers ministres ont fait l’objet d’une enquête criminelle. L’un d’entre eux, Ehud Olmert, a été poursuivi et condamné à une peine de prison qu’il a purgée. Mais il avait démissionné de son poste de Premier ministre avant d’être inculpé.

En ce qui concerne le Premier ministre, bien que la loi fondamentale sur le Gouvernement ne définisse pas sa fonction, il est considéré comme responsable des décisions les plus importantes en matière d’affaires intérieures et extérieures. Le Gouvernement (ou le Cabinet, les termes sont interchangeables) est composé d’un Premier ministre, de ministres et de vice-ministres. En Israël, le Premier ministre est généralement considéré comme « primus inter pares ». Il est dans une situation d’égalité avec les ministres, puisqu’il ne dispose que d’une seule voix lors des votes du Cabinet. En même temps, il est clairement prééminent puisque c’est lui qui forme le Cabinet et nomme les ministres à sa guise. C’est donc lui, le Premier ministre, le véritable « gouvernant » d’Israël.

En Israël, il n’existe pas d’immunité ou irresponsabilité spéciale pour le Premier ministre. Étant nécessairement membre de la Knesset, il jouit des mêmes immunités que les autres députés. La question de savoir si l’irresponsabilité parlementaire vise également à protéger la fonction exécutive d’un membre de la Knesset en poste au sein du Gouvernement ne s’est jamais posée. En tout cas, même si nous supposons que cette irresponsabilité est destinée à protéger des ministres, y compris un Premier ministre, il convient d’examiner si les actes mentionnés dans l’accusation se trouvent dans le champ des actes commis dans l’exercice de sa fonction ou de son mandat.

En Israël, c’est au procureur général qu’appartient la décision d’ouvrir une enquête contre un Premier ministre

L’institution de procureur général est exceptionnelle par rapport aux pouvoirs qu’il détient, considéré au prisme du droit comparé. C’est l’un des organes les plus importants et l’un des postes publics les plus puissants, il n’est cependant mentionné dans aucun texte constitutionnel. Étonnamment, aucune loi fondamentale ne s’applique au procureur général, ses pouvoirs ne sont édictés dans aucune loi. Le procureur général (en hébreu, conseiller juridique du Gouvernement) n’est pas seulement celui qui a le pouvoir d’engager des poursuites pénales, il représente également l’État dans les affaires judiciaires. 

Il sert également de conseiller juridique auprès des autorités gouvernementales et d’interprète autorisé de la loi pour le Gouvernement : ses avis juridiques sont contraignants. D’après la hcj, l’opinion juridique du procureur général contraint le Gouvernement à suivre son opinion pour être en mesure de protéger les décisions du Gouvernement devant les tribunaux lors du dépôt d’un appel contre ses décisions.

De plus, le procureur général défend les intérêts publics et peut intervenir en tant que partie prenante dans les affaires judiciaires pendantes s’il estime que l’intérêt public l’exige. Le bureau du procureur général, avec cette multitude de pouvoirs clés, assume une responsabilité capitale pour le Gouvernement ainsi que pour le public. La majorité des États démocratiques du monde font une distinction entre l’institution de « conseiller juridique du Gouvernement » et celle de procureur de l’État, mais pas dans le système juridique israélien.

Souhail Ftouh

0 0 votes
Évaluation de l'article