Pour la première fois en Israël une rue portera le nom du chimiste, philosophe et écrivain Yeshayahou Leibowitz. La ville d’Herzliya a en effet décidé de baptiser une de ses rues du nom de cette personnalité très connue en Israël pour ses commentaires radiophoniques de la Bible mais aussi pour ses déclarations contre le peuplement juif en Judée-Samarie.

Né à R?ga en 1903, Yeshayahou Leibowitz est l’une de ses personnalités les plus controversées pour ses avis tranchés sur la morale, l’éthique, la politique, et la religion.

Il émigre en Terre juive en 1934 (qui était alors sous mandat britannique), où il devient professeur de chimie organique à l’Université hébraïque de Jérusalem. Nommé professeur de biochimie en 1941, il a été promu en 1952 doyen de la chaire de chimie organique et de neurologie. Il y enseigne également la biologie et la neuropsychologie jusqu’à sa retraite en 1973. Il assure aussi un cours d’études juives à l’Université de Haïfa. Il les poursuit sans relâche, hormis l’interruption due à la guerre d’indépendance de 1948, pendant laquelle il sert en tant qu’officier de la Haganah.

Leibowitz est un penseur sioniste hors du commun. Il donne pendant toutes ces années des conférences internationales, rédige des livres en hébreu et en anglais, et supervise la rédaction de l’Encyclopaedia Hebraïca de 1956 à 1972.

Après sa retraite, il continue à enseigner la philosophie à l’université hébraïque. Une bonne partie de son œuvre a été traduite en français par l’écrivain et psychanalyste Gérard Haddad et par David Banon, docteur en philosophie et directeur du Département d’études hébraïques et juives à l’Université de Strasbourg.

Leibowitz fut un homme érudit, une encyclopédie vivante, un passionné des recherches scientifiques et des études bibliques.

Leibowitz réclame avec force la séparation entre la religion et l’Etat. Il combat dans ce sens les idées de Ben Gourion. Leibowitz pense que le judaïsme doit se libérer du pouvoir. Il critique sévèrement l’existence d’un ministère du Culte et du Grand Rabbinat.

Après la conquête des territoires durant la guerre des Six Jours, Yeshayahou Leibowitz réclame le retrait de tous les territoires conquis. Depuis les années 70, Yeshayahou Leibowitz est le meilleur « porte-parole » de l’extrême gauche israélienne et des Palestiniens. Il affirme que « le nationalisme doit cesser depuis le jour de l’indépendance de l’Etat». Il dénonce le comportement des soldats de Tsahal dans les territoires occupés et au Liban. Il va jusqu’à dire que leur attitude rappelle « la bestialité du nazisme » (1).

Ces prises de positions scandaleuses soulèvent un tollé général en Israël. Un grand mouvement de protestations unanimes, à droite comme à gauche. Par contre, ses partisans l’applaudissent. L’extrême-gauche se réjouit des propos et en tire profit. Les Palestiniens et la propagande arabe citeront largement ses déclarations contre l’occupation.

Leibowitz, qui n’a jamais milité dans un parti ou dans un mouvement politique, est convaincu que ses opinions sont justes et sincères. Il était solidaire avec les objecteurs de conscience, ces soldats qui refuseront pour des « raisons morales » de servir dans les territoires occupés.

En 1993, quelques mois après la victoire d’Itzhak Rabin aux élections législatives, une commission officielle décide de décerner à Yeshayahou Leibowitz le prix Israël, pour ses travaux scientifiques et ses nombreux ouvrages, dont ses analyses de Maimonide. Le scandale éclate. La droite, les religieux nationalistes condamnent vigoureusement la décision de la commission. Itzhak Rabin, Premier ministre, ne cache pas non plus son vif mécontentement. Furieux et rouge de colère, il fait savoir qu’il n’assistera pas à la cérémonie, prévue à Jérusalem le jour anniversaire de l’Indépendance d’Israël. D’autres membres du gouvernement et des parlementaires se joignent à lui. Perplexe, éprouvant de la répugnance pour les prix, les honneurs et les cérémonies gouvernementales, Leibowitz, pugnace et fier, renonce à recevoir la haute distinction.

Les membres de la commission du prix Israël sont profondément déçus par le refus de Leibowitz de recevoir le prix honorifique. Ils ont souhaité rendre hommage au philosophe, à l’homme et à ses œuvres et non pas à ses opinions politiques qu’on peut toujours désapprouver.

Surnommé en Israël « Le prophète de la colère », Yeshayahou Leibowitz est mort à Jérusalem en 1994. Le 18 août 1994, Yeshayahou Leibowitz meurt à Jérusalem à l’âge de 91 ans.

Ftouh Souhail

(1) Extraits du livre de Freddy Eytan « les 18 qui ont fait Israel » paru en novembre 2007 aux éditions Alphée- Jean-Paul Bertrand.

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