Une société israélienne réussit à faire pousser des semences dans un sol salin. Avec un 5e des terres agricoles mondiales trop salées pour la culture, les tests de SaliCrop en Inde et en Israël montrent que ses semences donnent jusqu’à 32 % de récoltes de plus.

Israël est déjà célèbre dans le monde entier pour la culture des poivrons et des tomates dans les conditions arides et salées du désert.La salinisation est une question presque aussi essentielle que la sécheresse. L’agriculture doit s’adapter à cette nouvelle contrainte.

Aujourd’hui, une entreprise israélienne a trouvé un moyen innovant de permettre à un large éventail de cultures, dont le riz, le blé et le coton, de pousser sur des sols salins à une grande échelle commerciale.

Le PDG Dotan Borenstein est allé avec son équipe de SaliCrop, basée à Kfar Vitkin, dans le centre d’Israël, semer des graines de carottes dans des champs expérimentaux en terre saline près de la frontière de Gaza.

Champs préparés près de la frontière de Gaza par SaliCrop pour des essais de semences de carottes traitées pour résister à la salinité du sol, le 23 août 2020

Les carottes sont particulièrement sensibles au sel, et dans cette région, la terre est devenue plus salée au fil du temps parce que les eaux usées recyclées sont utilisées pour l’irrigation.

À moins qu’elles ne soient naturellement adaptées au sel, la plupart des plantes souffrent et même meurent si le sol est trop salé.

La salinité est causée par de nombreux facteurs, dont certains sont d’origine humaine.

Les sels sont dispersés dans le sol par des produits chimiques ajoutés à l’eau potable, par des engrais, des herbicides et des pesticides et même par les eaux usées recyclées, largement utilisées dans l’agriculture israélienne.

Le changement climatique encourage également la salinisation.La salinisation entraîne la perte de 2000 hectares de terrain chaque jour dans le monde

Avec la montée du niveau des mers, l’eau salée est de plus en plus capable de pénétrer dans les aquifères souterrains d’eau douce et de se déverser dans les zones côtières de basse altitude, lors de tempêtes dont l’intensité devrait augmenter.

Deux mille hectares de terrain sont perdus chaque jour dans le monde à cause de la salinisation. La facture du sel dans les sols agricoles est… salée, selon une étude publiée fin octobre 2014 par des chercheurs de l’ONU. Elle préconise une action énergique pour stopper l’hémorragie.

En mai 2020, un cyclone au Bangladesh a submergé plus de 4 000 kilomètres carrés de terres sous l’eau de mer.

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture estime qu’environ un cinquième des terres irriguées du monde sont déjà trop salines pour la culture, ce qui représente une perte de quelque 12 milliards de dollars par an.

Avec la nécessité de nourrir une population mondiale croissante, chaque centimètre de terre devient plus précieux .

Le sel tend à freiner la captation de l’eau par la plante. De plus, il peut provoquer une accumulation de substances toxiques qui gênent la croissance. Ce qui augmente les coûts de production et réduit le revenu des agriculteurs. Et la plupart des grandes cultures alimentaires (blé, riz, maïs) tolèrent mal le sel.

La salinisation des sols est souvent le fait de mauvaises pratiques d’irrigation. Un apport d’eau insuffisant conduit le sel qu’elle contient à s’installer dans le sol. L’ Europe, rencontre peu de problèmes de salinisation. Ce problème touche essentiellement des pays en développement. En effet, dans les zones arides et semi-arides, l’insuffisance des pluies ne permet pas un lessivage naturel des sols qui évite l’accumulation de sel. Et l’intensification des cultures qui accompagne le boom démographique aggrave le problème. 

SaliCrop estime qu’elle est en avance sur son temps avec une solution qui permet de livrer très rapidement les semences traitées sur le marché. Elle n’implique ni modification génétique, qui peut prendre 15 ans pour lever les obstacles réglementaires, ni sélection, qui peut prendre six à sept ans.

Avec la méthode de SaliCrop, les graines sont trempées dans un cocktail chimique, dans des conditions très strictes, et peuvent être livrées au marché pour être plantées presque immédiatement. Différents cocktails sont préparés pour différentes variétés de semences.

Selon des essais en plein champ en Israël et en Inde (ces derniers en sont déjà à leur troisième année), le brevet augmente les rendements de 13 à 32 %.

Le PDG Borenstein, 50 ans, qui est né au kibboutz Hanita dans le nord-ouest d’Israël, est un ancien pilote de chasse de l’armée israélienne et un ancien vice-président de l’investisseur en technologies propres Hutchison Kinrot. SaliCrop avait finalisé la preuve du concept et de l’extensibilité commerciale pour 12 cultures, et qu’elle est maintenant en expansion.

La société a conclu un accord pour un projet pilote visant à appliquer son traitement aux nouvelles variétés de semences de céréales et de légumes mises au point par une grande université agricole de Mexico pour aider les agriculteurs locaux, et elle est sur le point de signer un accord avec une grande organisation australienne qui soutient les producteurs de céréales dans l’ouest du pays, frappé par la sécheresse.

SaliCrop recherche des partenariats avec des producteurs de semences et des organisations à but non lucratif et entreprendra une nouvelle levée de fonds l’année prochaine.

Les pays arabes dont les sols souffrent souvent d’aridité et de salinité, ont intérêt à profiter des avancées israéliennes dans ce domaine. C’est aussi le cas en Afrique du Nord, où travaille Serge Marlet, de l’antenne tunisienne du Cirad, un centre de recherche publique français spécialisé dans l’agriculture des pays du Sud.

Aux Philippines, l’Institut international de recherche sur le riz a mis au point des riz plus tolérants en croisant plusieurs variétés.. C’est aussi l’approche choisie par une équipe australienne pour créer un blé dur qui offre sur des sols salés un rendement supérieur de 25% à celui d’un blé dur ordinaire. Après des essais en Australie, ce blé sera prochainement testé au Pakistan, un pays dont les sols sont très endommagés par le sel.

Israël prône le recours aux technologies génomiques, comme le cas du traitement des semences par SaliCrop dans le Maharashtra, en Inde.

Souhail Ftouh

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