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Fait peu connu : le Comité politique de la Ligue arabe regroupant sept pays proposa le gel des avoirs juifs en 1947, avant même l’indépendance d’Israël un an plus tard. La Ligue arabe rejeta la partition de la Palestine en deux états votée par l’ONU ; cinq armées arabes envahirent alors le nouvel état et furent défaites. Depuis, la Ligue arabe a appliqué un boycottage total d’Israël, sur les plans diplomatique, économique et culturel. Par la suite, d’autres pays nouvellement indépendants s’y joignirent et la Ligue arabe compte aujourd’hui 22 états.

L’adhésion à la Ligue arabe a obligé les nouveaux pays à souscrire à sa politique de boycottage. Ainsi, des pays modérés tels le Maroc et la Tunisie cessèrent toute relation ou contact avec Israël. On appliqua la censure des ouvrages ou des journaux qui présentaient Israël sous un aspect positif et on alla jusqu’à geler les échanges postaux. Or, ce boycottage total n’a fait que retarder un dialogue essentiel pour la compréhension mutuelle.

Le refus de normalisation des relations avec Israël a été réaffirmé par la Ligue arabe après la Guerre des Six Jours à Khartoum (non à la paix, non à la reconnaissance, non à la négociation). Le manque de soutien au plan de paix de Camp David II en 2000 fut une des raisons pour lesquelles Arafat décida de cesser les pourparlers et de se lancer dans une seconde intifada. En 2002, la Ligue arabe proposa une normalisation avec Israël en échange d’un retour aux frontières de 1967, la création d’un état palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale et un règlement juste et équitable de la question des réfugiés palestiniens. Cette initiative de paix fut lancée en 2002 par l’Arabie saoudite suite aux évènements du 11 septembre 2001 : il était alors important de « redorer le blason » de ce pays d’où la majorité des terroristes furent issus. Ce plan basé sur le principe de la terre contre la paix fut réaffirmé en 2007. Il fut amendé en 2013 pour permettre des échanges de territoires mineurs et mutuellement agréés.

En 2002, la Ligue arabe fit appel à de nombreuses institutions internationales pour qu’elles soutiennent son plan de paix : les Nations Unies, les États-Unis, la Fédération russe, les états musulmans, l’Union européenne. Un seul pays ne fut pas appelé : Israël. Pourtant, bien des mesures devaient être prises par Israël en vue d’une solution de deux états(1). C’est pourquoi ce plan de paix donna à Israël l’impression d’un diktat (take it or leave it!) plutôt que celle d’une proposition de paix sincère.

L’enjeu des frontières sécuritaires et celui de la mise en pratique de la solution au problème des réfugiés constituent des obstacles majeurs. En effet, le lendemain de l’annonce du plan de paix de la Ligue arabe en 2002, un amendement vint préciser que la résolution 194 des Nations-Unies de 1948 – donnant aux réfugiés qui désirent retourner et vivre en paix la permission de revenir ou d’opter pour une compensation – devait être amendée par la résolution 14/224B de la Ligue arabe qui exige la reconnaissance du droit de retour des réfugiés palestiniens tout en ignorant la cause des réfugiés juifs des pays arabes(2).

L’année 2002 fut également l’année où fut lancée l’initiative complexe de la « Feuille de route » du Quartet réunissant l’ONU, les États-Unis, l’Union européenne et la Russie. Actuellement, le plan de paix de la Ligue arabe est dans les limbes en raison de la dissension interne des états membres – dissension exacerbée par la guerre civile en Syrie(3) – et par le manque d’unité au sein des Palestiniens : le Hamas à Gaza d’une part, le Fatah en Cisjordanie de l’autre. Comment prendre ce plan de paix au sérieux lorsqu’on sait que le retrait unilatéral du Liban et de Gaza a cédé la place à des organisations radicales qui ont saisi cette occasion pour bombarder Israël à tout vent ? Comment prendre ce plan au sérieux lorsque l’Égypte elle-même arrive difficilement à contrôler les groupes terroristes au Sinaï, que le Liban vit sous la dictature du Hezbollah et que l’Iran fait compétition à la Turquie pour aiguillonner le Hamas radical ?

En arrière-plan, la propagande de haine et d’enseignement de la haine notamment dans de nombreux médias électroniques arabes n’a jamais été aussi forte et a augmenté d’intensité depuis l’avènement du « printemps arabe. » Il est évident que cette haine va chercher ses racines dans des causes plus profondes qui ne se limitent pas à la résolution du conflit israélo-palestinien.

Le diplomate israélien Abba Eban avait coutume de dire : « les Arabes ne ratent jamais l’occasion de manquer une occasion. » Après plus de 50 ans d’immobilisme, la Ligue arabe s’est mise à avancer à pas de tortue avec… le retard d’une génération. Pour certes, la proposition de la Ligue arabe de 2002 a constitué une évolution sur le plan psychologique et relègue aux oubliettes la déclaration de Khartoum de 1967. Contrairement à la résolution 242 des Nations-Unies qui fait état de frontières sûres et reconnues dans le cadre d’un règlement du conflit, elle n’est accompagnée d’aucune garantie ou considération de sécurité (4). Pourtant, un simple coup d’œil sur la carte met en évidence l’importance du facteur de la sécurité dans tout règlement. La réalité est qu’il n’y a pas de solution instantanée à cette situation complexe. Il faut faire preuve d’imagination pour trouver la formule intermédiaire entre « céder des territoires pour obtenir la paix » et « obtenir la paix pour céder des territoires. » Une approche différente qui puisse rétablir la confiance des parties est nécessaire afin de collaborer à une solution graduelle et assurer que les considérations vitales de tout un chacun soient abordées dans l’aménité.

David Bensoussan
L’auteur est professeur de sciences à l’Université du Québec

1 La publication du plan de paix en langue hébraïque dans les journaux israéliens au nom de l’Autorité palestinienne fut financée par un juif américain en 2010. En 2007 seulement, les ministres des Affaires étrangères d’Égypte et de Jordanie vinrent enfin présenter le plan de paix à Israël. Toutefois, c’étaient des diplomates locaux de pays entretenant des relations diplomatiques avec Israël et aucun représentant officiel de la Ligue arabe ne se présenta.

2 En 2007, la Ligue arabe réaffirma l’appui à la résolution 194 de l’ONU (résolution à laquelle les pays de la Ligue arabe membres de l’ONU s’opposèrent en 1949 car elle n’incluait pas le droit de retour), mais en ajoutant cette fois que la solution devrait rejeter toutes les formes de naturalisation (tawtin) qui pourraient entrer en conflit avec le pays d’accueil arabe.

3 La Syrie a été suspendue de la Ligue arabe le 12 novembre 2011 (vote non appuyé par le Liban le Yémen et la Syrie, l’Irak s’abstenant) suite au non-respect de son plan de paix du 3 novembre 2011. La Ligue arabe a reconnu la Coalition nationale des forces de l’opposition et de la révolution comme opposition officielle. Son président Mouaz Al-Khatib a été invité à la réunion de la Ligue arabe à Doha le 26 mars 2013. Cette coalition nationale a été reconnue comme gouvernement légitime de Syrie par l’Arabie saoudite et l’ensemble des émirats du Golfe. Lors de l’adoption de la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU proposée par le Qatar en date du 15 mai 2013 et condamnant le régime syrien pour ses bombardements aveugles de civils, l’Algérie, le Liban et le Soudan s’abstinrent, l’Irak fut absent du vote et la Syrie vota contre.

4 Lorsque le président Obama demanda à la Ligue arabe de prendre des mesures constructives qui rapprocheraient l’avènement de la paix, il lui fut répondu que le plan de paix de la Ligue est suffisant. De son côté, Israël n’a répondu à la requête du président Obama de cesser la construction de nouvelles implantations que pour une période limitée.

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